Mes plus douloureux souvenirs d'enfance

Le premier a été ma noyade dans la seguia d’el kabou, j’avais cinq ans, je suis tombé dedans et j’ai été emporté par les eaux furieuses. Il a fallu que feu hadj aissa Benamar, de passage à ce moment là me sauve et m’extirpe de la seguia juste un peu avant de disparaitre dans le tunnel au bout de la rue.

2018.jpgLe deuxième a été l’accident que j’ai eu au même âge à peu près lorsque je suis tombé en courant derrière notre chèvre qui rentrait de pâturage. J’étais tombé lourdement dans la cour de notre maison et mes dents se sont enfoncées dans ma langue en la transperçant assez profondément. Ma mère était affolée, mon père était absent, elle envoya quelqu’un chercher mon grand-père qui tenait un restaurant à proximité de l’école du centre-ville. Mon grand-père arriva dans la minute et voyant mon état assez sérieux, me prit dans ses bras, me couvrit de son burnous blanc (de cela je m’en souviens très bien) et prit le chemin du cabinet du docteur M’barek Benadjila , situé dans une petite ruelle à proximité du secteur militaire sur la place Randon .Il faisait presque nuit. Si M’barek, qui n’était pourtant pas chirurgien, me fit quelques points de suture à la langue. A ce jour je porte toujours les stigmates de cet accident. Depuis ce jour funeste j’ai appris à me faire très prudent lorsque je dois traiter avec les chèvres.

billes1.jpgLe troisième souvenir c’est le jour où je me fis « plumer » aux billes par un voisin plus âgé que nous et qui profitant de son âge et de sa stature et trichant ouvertement nous allégea des billes que nous venions d’acheter, mes camarades et moi, de chez si Abdelkader Saci à la place des oliviers. Nous ne pûmes rien contre lui et notre ami nous prit toutes nos billes et s’en alla tranquillement ignorant nos protestations de gamins qui ne pouvaient rien faire d’autre que protester, ce qui ne pouvait en aucun cas constituer un danger pour lui. Cet évènement, je ne l’ai pas oublié tellement je me suis senti victime d’une grande injustice. J’ai rencontré notre bourreau l’année dernière à la rue petite seguia après un demi-siècle de l’évènement, je le lui ai rappelé, il ne s’en souvenait pas ; on en a bien ri après qu’il ait entendu de moi ces paroles « Tu vas me rendre mes billes que tu m’as volées il y a 50 ans » et lui de répondre « je te les paie si tu veux »
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tresses.jpgLe quatrième souvenir est celui-ci : Les enfants des autres quartiers de la ville qui « osaient » s’aventurer dans notre quartier étaient souvent malmenés et soumis à un contrôle rigoureux. Il fallait souvent pour eux « acheter » notre complicité par des billes, des illustrés pour les garçons ou des bonbons pour les filles.

Ces enfants, garçons et filles venaient tous les soirs prendre le lait de vache de chez le regretté Hadj Mohammed Benmoussa qui habitait au »tapis vert »

Ce soir là nous n’eûmes pas droit à ce que nous considérions comme un droit, nous primes la décision de nous venger en infligeant des coups aux garçons et en tirant les cheveux des filles. L’une des filles, qui avait de longues tresses, fut la victime toute désignée. Malgré l’obscurité naissante, elle me reconnut et sans tarder alla illico-presto chez ma mère se plaindre de mon comportement pour le moins peu amène.

Moi, je n’en savais rien

Je retournai à la maison ne doutant de rien. Ma mère ne me souffla mot de la visite de la fille aux tresses. Lorsque rentra mon père elle fait vite de le mettre au courant. Et cela fut ma fête, une bonne raclée, pas de diner.

Je me souviendrai toute ma vie de cette belle raclée, la première et la dernière.

Allah yarahmek , sidi je ne vous en veux pas pour ça , vous avez juste rempli votre mission de père

lesieur.jpgLe cinquième et dernier souvenir malheureux c’est le jour où j’ai été envoyé chez l’épicier du coin pour acheter un quart de litre d’huile ( pas 5 litres comme de nos jours). Après avoir acheté l’huile je m’en retournai vers la maison mais en cours de chemin la bouteille glissa de mes mains et tomba par terre et se cassa. Comment faire ? Je ne pouvais rentrer à la maison les mains vides et je ne pouvais pas retourner chez l’épicier pour le supplier de me donner un autre quart d’huile, il me demanderait de payer et je n’avais pas le sou. Je restai là dans la rue, inquiet, ne sachant quoi faire. J’ai attendu jusqu’à la tombée de la nuit avant de rentrer à la maison. Résultat : je reçus une belle raclée de ma mère non pas parce que j’ai cassé la bouteille mais pour avoir mis tout ce temps pour rentrer, elle aurait pu me donner d’autre argent pour acheter l’huile dont elle avait besoin pour préparer le diner.